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Au dur mot de Brexit s’oppose la douceur du « Dordogneshire », le Périgord béni des anglo-saxons. Comment les nombreux britanniques résidents dans la région ressentent-ils le retrait de leur nation de l’Union Européenne ? Le témoignage de Martin Walker, auteur et personnalité du journalisme politique international, nous apporte un éclairage précieux, au-delà de sa propre expérience. Humphrey et Sue Temperley, établis comme vignerons à Saussignac nous racontent leur histoire, et le désir de rester en France l’emporte.

Martin Walker, journaliste politique et romancier : un écossais devenu ambassadeur charismatique du Périgord,

A la lisière du village du Bugue, poste avancé du Périgord Noir, sur la Vézère, dont la vallée vient d’être labellisée grand site de France*; Martin Walker a élu domicile il y a plus de 20 ans, après avoir eu un véritable coup de foudre pour la Dordogne lors d’une première visite chez des amis anglais. Julia, son épouse, se lance illico dans une tournée de repérages de maisons et tombe amoureuse d’une ferme avec cour au portail entrelacé de glycine… Sans nullement s’alerter de l’état un peu déliquescent de l’ensemble, elle appelle immédiatement son mari alors journaliste pour le Washington Post. Bien qu’au milieu d’une conférence de presse à la Maison Blanche, il est sommé de donner son accord séance tenante…

 

 

Depuis, les Walker vivent avec chien (Balzac), coq (Sarkozy) et poules (Margaret, Angela, Carla, Hilary) plusieurs mois de l’année en Périgord, entre leurs autres lieux de résidence (Londres et Washington) où Martin naviguait allègrement au gré des interviews et activités du think tank dont il fait partie.
Inspiré par la Dordogne, Martin se met à écrire des romans policiers où le Périgord s’invite en guest star à travers son héros, policier municipal d’un village au bord de la Vézère, cœur tendre et autochtone pur jus (fait ses confits, ses bocaux de cèpes, qu’il partage avec les nombreux copains…). En résultat, la série Bruno chef de Police, totalise maintenant 13 ouvrages, traduits dans soixante pays et édités à plus d’un million d’exemplaires en Allemagne avec une adaptation télé en gestation. Une promotion incroyable pour la région qui vaut bien à son auteur un statut d’ambassadeur permanent !

 

 

 

Aujourd‘hui, l’analyste politique ne nie pas le sérieux de la situation et l’incertitude pour les mois à venir. On envisage des passeports et des visas même pour traverser la Manche, mais reste confiant sur la notion viscérale d’accueil de la France, « Vous êtes chez vous en France » a formulé le Président Macron. Martin Walker constate que la majorité des britanniques installés en Périgord raffolent, comme lui, de son art de vivre extraordinaire et ont la fibre plus « terroir » parfois même que des autochtones : ils restaurent leur maison avec un goût certain des matériaux authentiques, cultivent leurs potagers bio, dégottent les meilleures tables du coin… Cet amour de la région les conduit à se sentir redevables et à participer à la collectivité et ils s’investissent dans des associations, culturelles ou humanitaires.

Autre espoir de Martin : les voix dans le référendum au Royaume Uni ont été exprimées par des citoyens senior. « Dans dix ans, la nouvelle génération souhaitera réintégrer l’Europe » dit-il confiant.

Ce jour-là quelques belles cuvées de Pécharmant ou Montravel couleront sous la treille, et seront joyeusement dégustées avec la bande de copains du petit hameau.

* L’ensemble du Bassin de la Dordogne dont fait partie la vallée de la Vézère est classé Réserve Biosphère au patrimoine mondial de l’Unesco.

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Pour Sue et Humphrey Temperley, devenus vignerons à Saussignac, le bonheur est en Périgord où ils ont décidé de rester.

Humphrey est issu d’une vieille famille du Somerset qui cultive des terres depuis 5 siècles. Il a rencontré Sue en fréquentant les milieux politiques. Après avoir travaillé dans l’édition, Sue a mené une carrière qui l’a conduite à représenter son comté à la chambre des Lords où elle siège depuis 20 ans, en charge des questions environnementales et agricoles.

 

 

 

Dans la véranda d’une solide bâtisse des années 30 blottie dans les replis des coteaux bucoliques de Saussignac, ils contemplent « leur » paysage : ces vallons harmonieusement rayés de vignes que vient border la forêt leur appartiennent (30 ha au total, moitié vignes et moitié prairies et bois). Avec en prime, le bonheur casi-quotidien de voir gambader des chevreuils ou des lièvres. Ce dernier, symbole de biodiversité, est d’ailleurs l’emblème du domaine, joliment stylisé sur les étiquettes. Tous les deux ont passé la soixantaine et ne se résoudront pas à rentrer en Angleterre, même si leurs enfants y font leur vie. Sue restera aux côtés de Humphrey qui travaille encore les vignes. La semaine de travail se ponctue de nombreuses évasions, le cinéma d’art et d’essai à Sainte Foy la Grande, ancienne bastide (anglaise !) avec ses films en VO, les concerts dans les églises ou châteaux avoisinants, les repas chez les nombreux amis et le marché dans les villages alentours, devenu un culte !

 

 

 

Ils n’en finissent pas de s’extasier sur la qualité et la profusion des produits que les artisans et maraîchers proposent sur leurs étals. Le bonheur est décidément une évidence dans le Périgord avec ses plaisirs simples, sa campagne préservée et une vie culturelle riche. Le projet du mois à Lestévénie ? L’installation de nichoirs à huppes. Côté moins, ce choix implique pour Sue le renoncement à sa carrière politique et à son siège au Palais de Westminster. Humphrey a le mot de la fin : « En Angleterre, nous étions des ruraux, je suis agriculteur, et là-bas la campagne rétrécit. Nous aimons observer les étoiles les nuits d’été. Dans le Somerset, cela devient difficile d’avoir un vrai ciel obscur, ici nous pouvons contempler les galaxies ». Et puis Humphrey est vraiment fier de sa gamme (Bergerac sec et Côtes de Bergerac moelleux, rouge, rosé) dont il vend 25 000 bouteilles en direct. Une belle clientèle a été fidélisée au domaine et la mairie du village voisin passe commande pour toutes les festivités, un joli signe de reconnaissance et d’intégration.

Avec, à ce jour, les enjeux économiques bouleversés par la crise sanitaire mondiale, le feuilleton à suspense Brexit or not Brexit n’en est pas à son dernier épisode.

 

Texte Marie-Pierre Tamagnon

Photos Jean-Marc Cholet, Klaus Einwanger

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