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Karl Friedrich Scheufele, co-président de Chopard, griffe emblématique de l’horlogerie joaillerie, a acquis avec son épouse le Château Monestier la Tour en 2012. Il nous confie l’histoire d’un coup de foudre pour ce domaine bergeracois serti dans son écrin « Périgord ». En effet, au-delà du charme du vignoble, l’indicible notion de douceur et d’art de vivre au bord de la Dordogne, si bien évoquée par Edmond Rostand, ne semble pas étrangère à ce choix.

 

Entretien avec Karl Friedrich Scheufele, propriétaire du Château Monestier la Tour en bergeracois 

 

Mag 247 : En Suisse, votre passion du vin est connue. Les caves du Caveau de Bacchus (1) recèlent ce dont tout grand amateur de vins rêve. A titre d’exemple, vous êtes importateur exclusif des vins de la Romanée Conti… Quelle est l’origine de cet intérêt pour le vin ?

K.F.S. : Tout d’abord, en tant que grand amateur de vins, j’ai repris les Caveaux de Bacchus où l’on trouve des cuvées de grand renom, mais aussi des vins à découvrir. Mes collaborateurs du Caveau de Bacchus s’attachent à faire connaître des vins intéressants d’horizons différents et la notion de conseil me tient particulièrement à coeur.

 
" ... Nous avions gardé du Périgord l’image d’une nature intacte, idyllique... "

247 : Vous allez encore plus loin en faisant l’acquisition, avec votre épouse, du Château Monestier la Tour en 2012. Que cela représente-t-il pour vous ?

K.F.S. : C’est l’aboutissement d’un rêve. L’idée d’élaborer notre propre vin nous séduisait. Sans vraiment nous fixer d’objectif, nous faisions des repérages, depuis 20 ans (!) en France surtout, dans plusieurs régions (Côtes du Rhône, Bordelais, Bourgogne…). Nous avons visité des propriétés remarquables sans pour autant ressentir de déclic. Un jour, par des amis qui connaissaient notre projet, nous sommes informés qu’une belle propriété est en vente en Dordogne. Elle appartient à Philip de Häseth-Moller, homme d’affaires hollandais, qui, pour des raisons familiales, doit s’en séparer, à son grand regret. Il nous a suffit de deux visites pour nous décider. A Monestier, nous avons trouvé deux mondes : un ensemble harmonieux dans un environnement préservé avec une bâtisse intéressante et un vignoble. Nous avions gardé du Périgord l’image d’une nature intacte, idyllique… Au-delà du coup de foudre, cela a réveillé un vieux souvenir et une impression ressentie lors de notre voyage de noces en Dordogne en 1994. Nous avons d’ailleurs fait un pèlerinage cet été au Vieux Logis (2), où nous avions séjourné à l’époque. Mes collaborateurs du Caveau de Bacchus ont émis des avis réservés quant au choix de l’appellation viticole, moins connue que d’autres. Je leur ai démontré qu’il y a un potentiel très intéressant à Bergerac et l’idée me plaisait de relever un défi avec Monestier la Tour. Nous avions visité des vignobles plus prestigieux, sans pour autant trouver réunies les conditions que nous souhaitions.

247 : Un vignoble «d’artisans vignerons», c’est un peu la marque de fabrique de Bergerac Duras. Existe-t-il, selon vous, un parallèle entre ce métier et le métier de l’horlogerie-joaillerie, même si ce dernier évoque davantage le monde du luxe ?

K.F.S. : Je n’ai jamais vraiment aimé la notion de luxe, je préfère celle de très forte valeur ajoutée et d’artisanat. Pour faire une pièce d’horlogerie, ce sont trente métiers différents qui entrent en œuvre avec l’exigence d’une qualité extrême.

 
« ...le monde du vin nous dicte sa cadence, un superbe exercice qui vous ramène à un autre rythme... »

247 : Et comment intervient la notion du temps, qui est au cœur de votre premier métier?

K.F.S. : Le beau travail prend du temps, et nous avons choisi cette devise pour Monestier la Tour: « ce que l’on fait avec le temps, le temps le respecte ». Le monde du vin nous dicte sa cadence, un superbe exercice qui vous ramène à un autre rythme. Un millésime réussi est le fruit d’un travail précis et réfléchi tout au long de l’année.

 
« la biodynamie… pour contribuer à préserver la biodiversité et l’équilibre naturel de cet environnement privilégié qui nous avait précisément séduits… »

247 : La nature est au centre de votre intérêt et de vos préoccupations aussi. Vous avez opté pour la biodynamie : un lieu lui est d’ailleurs dédié dans les chais de Monestier la Tour, la tisanerie, pièce qui abrite les différentes plantes utilisées pour les traitements (Voir encadré plus bas). Pourquoi ?

K.F.S. : Mon épouse et moi sommes arrivés comme des apprentis dans le monde du vin mais nous avions une certitude : contribuer à préserver la biodiversité et l’équilibre naturel de cet environnement privilégié qui nous avait précisément séduits. Le domaine sera certifié bio en 2017 (au terme de trois années de conversion). La biodynamie fait partie des décisions importantes que nous avons prises. Elle s’inscrit dans l’orientation que nous souhaitons donner à Monestier la Tour et elle est en harmonie avec nos convictions personnelles. Cette région est en avance sur le bio et c’est incontestablement un point fort à mettre en avant pour sa promotion (3).

247 : Cette nature intacte, cela fait partie de l’ADN du Périgord, terre de la préhistoire, des mille et un châteaux, de la gastronomie, selon vous ?

K.F.S. : Nous avons un vrai coup de cœur pour cet environnement et le faisons découvrir à nos amis et même parfois à des partenaires importants de notre marque. Ils sont émerveillés et étonnés que le Périgord n’ait pas plus de notoriété.

 
« ...préserver le patrimoine le plus précieux : la nature. C’est un enjeu majeur pour l’avenir... »

247 : 2016 voit l’avènement de deux sites majeurs dans la grande région Aquitaine : la Cité du Vin à Bordeaux et, en Dordogne, Lascaux 4 qui ouvrira en décembre. Bergerac se trouve à mi-chemin de ces deux pôles. Vu de l’étranger, cela peut-il être un levier pour le tourisme ?

K.F.S. : Certainement, et je le souhaite. Mais en même temps, je pense qu’il faut réfléchir pour être prêt à canaliser l’apport touristique et préserver le patrimoine le plus précieux : la nature. C’est un enjeu majeur pour l’avenir où les terres intactes seront rares, malheureusement.

247 : Que ressentez-vous en Périgord, au-delà de tous ces atouts ?

K.F.S. : Ma famille et moi vivons nos séjours à Monestier la Tour comme une respiration, une parenthèse où nous oublions le quotidien et où nous profitons de la nature, paisible, au fil de longues promenades. Nous trouvons ici un accueil sincère et simple, loin de l’arrogance et du caractère blasé de certaines régions très en vogue. Cette douceur et cette qualité de vie et de relations humaines apportent un supplément d’âme à la beauté et à l’authenticité des paysages.

 

Marie Daramont

 

(1) caveau de Bacchus, 3 caves prestigieuses à Genève, Gstaad et Gland (NDLR)
(2) Un des plus anciens établissements gastronomiques de Dordogne, et l’une des plus belles tables, 1 macaron Michelin, au cœur d’un village du Périgord noir, Trémolat, cf page 17 (NDLR)
(3) Le vignoble de Bergerac-Duras compte 20% de sa superficie en bio, (contre 10% pour la moyenne du vignoble français) (NDLR)
La Tisanerie et le jardin utile

 

Quelques principes de biodynamie appliqués au Château Monestier la Tour :

Le jardin utile, un jardin de «simples» permet de cultiver consoude, camomille, ortie, thym, prêle et autres herbes qui sont ensuite séchées et mises en sac dans la tisanerie. Les traitements biodynamiques sont adaptés au cycle végétatif : stimulant le développement de la vigne au printemps et favorisant la « mise en dormance » après les vendanges où l’on répand cyprès, buis et lierre dans les rangs de vigne. L’ortie, elle, est une plante «feu», utilisée en début de saison pour réchauffer les pieds de vigne.

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