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Le goût est un sens. Il est complexe, fascinant, et fait parfois défaut. Le goût est personnel. Le goût des autres est dégoût ? Le goût est culturel. Il dit nous ici on aime ou on n’aime pas. Le goût est identité. Et construction sociale. Le goût est même politique. Ce qui est sûr, c’est que le goût est riche de sens. Il méritait bien qu’on lui consacre un dossier !

Le goût expliqué par les Tontons flingueurs

Le goût est un mécanisme sensoriel aussi fascinant que complexe. Pour en comprendre les ressorts, on vous propose de vous attabler en cuisine avec les frères Volfoni* pour une petite dégustation de vitriol. Après ça, le premier qui dit qu’il a pas compris on l’éparpille par petits bouts façon puzzle.

 

* Respectivement interprétés par Bernard Blier et Jean Lefèbvre, Raoul et Paul Volfoni, sont deux truands personnages du film Les Tontons flingueurs réalisé en 1963 par Georges Lautner. La scène de la cuisine est devenue une scène culte du cinéma français.

 

Une sombre affaire de chimie

Lorsqu’on prend un aliment en bouche, les molécules sapides* qu’il contient se mêlent à la salive et sont détectées par les bourgeons du goût. Ils sont essentiellement contenus dans les milliers de papilles qui tapissent notre langue, mais également sur notre palais, nos gencives ou l’intérieur de nos joues. Les bourgeons envoient alors un message à notre cerveau qui identifie les saveurs primaires que sont le sucré, le salé, l’acide, l’amer et l’umami. Le goût, c’est donc d’abord une histoire de chimie !

*Responsables de son goût.

 

 

J’y trouve un goût de pomme

Dans la fameuse scène de la cuisine du film les Tontons flingueurs, Jean Lefebvre alias Paul Volfoni trouve que la gnôle, « le vitriol », a goût de pomme. En réalité, c’est plutôt un arôme de pomme qu’il décrit, et ce grâce à l’olfaction ! Car les aliments que nous mangeons contiennent des molécules aromatiques volatiles. Nous les percevons de deux façons. Soit directement par le nez avant même de porter les aliments à notre bouche. C’est d’ailleurs l’une des étapes cruciales de la dégustation du vin. Puis une fois l’aliment en bouche, les molécules aromatiques sont libérées et remontent par l’arrière de notre gorge jusqu’aux fosses nasales pour stimuler les récepteurs olfactifs. C’est ce qu’on appelle la rétro-olfaction. C’est donc son odorat qui a permis à Paul Volfoni d’y trouver un goût de pomme.

 

Le trigéminal, c’est du brutal

Le vitriol, on ne saura pas si ça pique, si ça brûle ou les deux mais ça fait pleurer Paul et dire à Raoul que « c’est du brutal ». S’il peut l’affirmer, c’est grâce à son trijumeau, un nerf qui se divise en trois parties dans la bouche, le nez, et les yeux. C’est lui qui nous permet de déterminer si un aliment est frais, pétillant, piquant, chaud… Ainsi, ce qu’on appelle communément le goût d’un aliment correspond en réalité à une combinaison de sensations gustatives, aromatiques et trigéminales. De fait, plutôt que de parler de goût, les scientifiques préfèrent utiliser le terme de flaveur, moins sujet à confusion.

En bande organisée

Et les autres sens, dans tout ça ? Manger est clairement une expérience poly-sensorielle. Et cette expérience commence bien souvent par la vue. Avant même de porter le vitriol à ses lèvres, Lino Ventura alias Fernand Naudin, avait bien remarqué « qu’au premier abord comme ça il [avait] l’air assez curieux ». Grâce à la vue, si tout va bien on salive d’avance, et dans le cas contraire, cela peut nous éviter de consommer un aliment avarié ! Dans une moindre mesure, l’ouïe est également sollicitée. Le pop de la bouteille que l’on vient d’ouvrir et le son du liquide emplissant le verre réjouissent l’amateur de vin. Chez l’enfant, le toucher et la découverte des différentes textures vont aussi contribuer à l’expérience. Bref. Vous l’aurez compris, lorsqu’il s’agit de dégustation, les 5 sens sont comme les Tontons flingueurs : ils agissent en bande organisée.

 

Les saveurs : 4, 5 ou 6 ?

Dans la cuisine occidentale, on distingue 4 saveurs de base : salé, sucré, amer et acide. Les japonais identifient quant à eux une 5e saveur appelée umami qui signifie « goût savoureux ». Les scientifiques ont pu établir un lien direct entre l’umami et la présence des acides glutamique, inosinique et guanylique. La sauce soja, les bouillons de viande, et même certains vins sont umami. Plus récemment, des chercheurs ont montré que le contact des acides gras libres sur la langue provoquait une activation des aires cérébrales gustatives au même titre que les saveurs sucrées et salées. Le gras serait-il la 6e saveur ? La question fait toujours débat.

Lorsque le goût vient à manquer

Parmi les symptômes du Covid-19 figurent l’hyposmie (perte partielle de l’odorat), l’anosmie (perte totale) et l’agueusie (perte du goût). Pour la plupart des malades, ces troubles s’avèrent temporaires (une quinzaine de jours), mais pour d’autres ils s’installent dans le temps. De quoi faire sérieusement paniquer les professionnels des métiers du goût et de la parfumerie. La bonne nouvelle, c’est qu’avec un peu d’entraînement, une récupération est possible ! Face au désarroi de ses étudiants en œnologie, l’ISVV (Institut Supérieur de la Vigne et du Vin) de Bordeaux a décidé de mettre au point un kit de rééducation. Le kit est composé d’huiles essentielles, de stylos olfactifs ou de diffuseurs électriques d’odeurs, et surtout d’un livret d’exercices à pratiquer quotidiennement. Il faut compter environ 3 mois pour récupérer ses capacités. La méthode et son livret d’accompagnement sont accessibles librement sur le site de l’ISVV.

www.isvv.u-bordeaux.fr

Goût du vin, Les mots pour le dire

Assez sommaire jusqu’au XIXe siècle, le vocabulaire du vin va considérablement s’enrichir avec la progression des techniques de production et l’avènement des vins fins. Au XXe siècle, l’œnologie moderne et la création des AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) va faire faire un bond considérable à la fois à la technique même de la dégustation, et au vocabulaire qui lui est associé. En plus de leur couleur, leur limpidité et leur texture en bouche, les vins vont dorénavant être décrits par leurs arômes. Leur typicité va pouvoir être caractérisée grâce à des références aux fruits, aux fleurs, aux animaux… On va aussi développer tout un vocabulaire anthropomorphique en faisant référence au corps humain (on parlera d’un vin charnu, de jambes ou de larmes…), ou aux caractères (mou, bavard…).

 

La roue des arômes un outil pratique pour décrire un vin

Constituée de 3 cercles concentriques, elle répertorie les principaux arômes utilisés pour décrire les vins.

À vous de jouer !

 

 

 

 

Texte Alexandrine Bourgoin

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